Par l’Association !Dsanté
Contexte de l’action
L’éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées est inscrite dans le Code de l’éducation depuis la loi n°2001-588 du 4 juillet 2001 et a récemment fait l’objet d’une mise à jour par la circulaire n°2018-111 du 12 septembre 2018. Elle prend place dans les programmes scolaires de l’Éducation Nationale (Eduscol et Profedus), dans le cadre de séances spécifiques, à raison de trois séances annuelles, en lien avec les connaissances acquises au travers des programmes scolaires.
Sur le territoire guyanais, les inégalités sociales et territoriales de santé sont prépondérantes, et les constats en santé sexuelle sont alarmants. En effet, en 2016, les grossesses précoces chez les moins de 20 ans étaient près de 8 fois plus fréquentes en Guyane (13,37 %) que chez les 0-20 ans au niveau national (1,7 %)[1]. La Guyane enregistre les taux les plus élevés de nouvelles infections au VIH (18 pour 10 000) ainsi que le taux le plus élevé des personnes ignorant leur séropositivité (66 pour 10 000 habitants)[2]. Quant au taux d’IVG chez les mineures, il était près de 4 fois supérieur en Guyane par rapport à la France métropolitaine[3].
Afin de sortir d’une approche « risques » et de favoriser une approche positive de promotion de la santé, l’éducation à la sexualité dès le plus jeune âge permet de favoriser l’apprentissage du savoir-vivre en société, le respect de l’autre, la promotion de l’égalité fille-garçon et la lutte contre les stéréotypes de genre.
Face à ces constats, l’intervention des acteurs associatifs, combinée à une mobilisation des professionnels de l’Éducation Nationale, est apparue fondamentale.
L’association !Dsanté, implantée en Guyane, a été créée en 2016. Elle contribue à réduire les inégalités sociales et territoriales de santé et à soutenir les acteurs partenaires dans leurs réponses aux problématiques guyanaises, notamment dans le champ de l’éducation à la sexualité en milieu scolaire.
Les membres de l’association interviennent ainsi auprès des élèves du CP à la 5e sur six établissements scolaires, en co-préparation et co-animation avec des enseignants, des infirmières scolaires et des animateurs du périscolaire. Le terme d’éducation à la vie affective et sociale a été choisi afin de lutter contre les représentations associées à ce terme notamment de la part de la communauté éducative et des parents d’élèves.
Fiche-identité de l’action
Porteur du projet : association !Dsanté
Statut du projet : en cours de mise en œuvre depuis 2016
Échelle : 6 établissements scolaires situés en quartier prioritaires de Rémire-Montjoly et Matoury (intégration d’une nouvelle école à la rentrée 2019-2020)
Thématique traitée : éducation à la vie affective et sociale
Publics visés : enfant, parent, personnel des établissements scolaires
Partenaires opérationnels : infirmières scolaires (personnes ressources et pivots du projet), enseignants, Développement social urbain-DSU Rémire-Montjoly (animateurs du périscolaire), Fédération Autonome des parents d’Elèves et Etudiants de Guyane (FAPEEG), Rectorat, médiateurs et psychologues.
Partenaires financiers : Agence Régionale de Santé (ARS) de Guyane, Communes de Matoury, Cayenne et Rémire-Montjoly, CGET (Commissariat Général à l’Egalité des Territoires), Fondation EDF, Fondation Sanofi avenir, Préfecture de Guyane
Gouvernance : un comité de pilotage a été mis en place afin de superviser l’exécution du projet et de réajuster sa mise en œuvre. Il est composé de l’ARS de Guyane (directrice de santé publique/référente Santé sexuelle et reproductive), de la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) de Guyane, des coordinatrices des Ateliers santé ville (ASV) de Matoury et de Rémire-Montjoly et du Rectorat de Guyane (infirmière conseiller technique).
Il existe également un comité technique composé de 17 membres, réunissant le Rectorat de Guyane (chargée de mission santé sexuelle et reproductive), l’ARS de Guyane, le COREVIH (coordinatrice territoriale), la DRDFE (Direction Régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité), la FAPEEG (présidente, vice-présidente et secrétaire) et un représentant des parents d’élève.
Articulation avec d’autres politiques publiques : stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030 + sa feuille de route 2018-2020 (l’axe 6 de la stratégie nationale est « Prendre en compte les spécificités de l’outre-mer pour mettre en œuvre l’ensemble de la stratégie de santé sexuelle »)
Coût de l’action : 55 500 €
Moyens affectés : Ressources humaines 2,75 ETP
Objectifs de l’action
> Promouvoir l’éducation à la vie affective et sociale en milieu scolaire
> Renforcer les compétences en éducation à la santé des professionnels
> Renforcer les savoirs, savoir-être et savoir-faire des élèves dans leur vie affective et sociale
Description de l’action
« L’école sexprime » (ESEX) se déroule actuellement dans 4 écoles primaires (dont 2 incluant aussi le temps périscolaire) et 2 collèges de l’île de Cayenne. Ces établissements sont situés en quartiers politiques de la ville et un des collèges est classé REP+.
Le projet ESEX a été conçu en articulation avec le référent santé sexuelle et reproductive de l’ARS de Guyane et le service santé du Rectorat en 2016. Il a aussi été présenté à des infirmières scolaires et des enseignants pour valider les besoins et les grandes lignes des actions proposées.
Dans le cadre de la première phase d’implémentation du projet (revue de la littérature et évaluation des besoins dans les établissements scolaires partenaires), l’association !Dsanté a pu objectiver les attentes et besoins des élèves et de leurs encadrants sur ce sujet. Les acteurs de l’Éducation Nationale ont confirmé un besoin d’être formés et/ou accompagnés sur les principes de la vie affective et sociale, sur les manières d’intervenir sur ces thématiques dès le primaire et la nécessité d’adopter une approche pluridisciplinaire dans la gestion des problématiques. En effet, les interventions sont chronophages et il est préconisé d’intervenir à deux animateurs en demi-groupe de classe, ce qui rend pertinent l’intervention d’associations extérieures.
Quatre établissements de Rémire-Montjoly ont été sélectionnés dès 2017 en fonction du volontariat de deux infirmières scolaires, personnes ressources et pivots du projet et du cofinancement de la commune dans le cadre de la politique de la ville. En 2018, deux établissements de Matoury ont été inclus dans le projet dans le cadre de sa diffusion.
Différentes thématiques sont abordées en classe avec les élèves au travers de supports variés et participatifs (brainstorming, débat mouvant, vidéo, affiches, jeux, théâtre forum, etc.) comme le respect de soi et des autres, l’égalité filles-garçons, le consentement, l’estime de soi, le harcèlement, la puberté, etc. Il s’agit de co-animer avec les enseignants volontaires, infirmières scolaires ou encore les animateurs du périscolaire, puis de laisser à disposition de l’établissement les outils utilisés.
Les animations se déroulent d’une façon participative et positive en 3 phases :
– Une phase de découverte qui fait ressortir les connaissances et les représentations des élèves ;
– Une phase explicative qui définit les notions importantes à retenir et les messages clés selon la thématique ;
– Une phase appropriative qui met en action les élèves par du théâtre forum ou des réalisations pratiques sur ces thématiques. Cela permet de s’approprier davantage les notions abordées.
Résultats de l’action
> Les objectifs initiaux ont largement été dépassés. Dans la définition des parcours en éducation à la sexualité et la co-rédaction des supports pédagogiques, le comité technique composé de dix-sept membres, au lieu de huit prévus, s’est réuni une fois en 2018. Six séances de travail étaient initialement prévues avec les enseignants et infirmières des écoles partenaires du projet, dix-sept ont finalement été réalisées. Au total, 30 enseignants ont été mobilisés, c’est-à-dire deux fois plus que prévu, et 3 infirmières scolaires.
> Dans la planification des interventions, l’objectif était fixé à 10 interventions en co-animation avec les enseignants, il y en a eu 94 au total sur l’année 2018.
> Au niveau des interventions éducatives, le nombre d’élèves sensibilisés a été multiplié par 1,3 pour ceux du cycle 4 (5e, 4e, 3e) et par près de 3 pour ceux du cycle 3 (CM1, CM2, 6e).
> 83 élèves du cycle 2 (CP, CE1, CE2) et 18 élèves ULIS ont été sensibilisés en plus des élèves de cycles 3 et 4 initialement prévus.
> Enfin, dans le bilan de la démarche, un représentant par financeur et un représentant du rectorat ont composé le comité de pilotage qui s’est réuni deux fois au lieu d’une prévue.
> Ce projet initialement destiné aux élèves de cycle 3 et 4 a été redirigé vers les élèves de cycle 2 et 3. Cette évolution était souhaitée dès la phase de définition du projet mais nous pensions qu’elle se ferait sur une période plus longue avec des besoins d’explications auprès des équipes pédagogiques et des parents importants. Au final, ce sont eux qui ont sollicité celle-ci. De plus, les acteurs sont très peu nombreux, voire inexistants avant le collège.
Perspectives
> Ce projet va se poursuivre et s’étendre sur d’autres écoles primaires de l’île de Cayenne.
> Le projet est également sollicité pour des classes de maternelle.
> Au niveau du périscolaire, un projet sur une période d’un trimestre va être réalisé dès la rentrée 2019-2020 dans les deux écoles primaires de Rémire-Montjoly, alliant compétences psychosociales et théâtre forum. En effet, étant intervenu sur l’année scolaire sur deux écoles en même temps (soit une semaine sur deux), il nous semble plus pertinent d’aller sur une seule école à la fois, de façon plus rapprochée avec une présentation finale sur un trimestre, plutôt que sur toutes les écoles en même temps mais sur l’année scolaire (donc une semaine sur deux dans un établissement) ; le suivi et le bénéfice des animations seront meilleurs ainsi. Nous allons donc travailler avec les jeunes sur une thématique « vie affective et sociale » avec l’outil théâtre forum. Ces activités se concluront par une représentation devant les parents d’élèves permettant ainsi de valoriser leur travail et d’approfondir le lien avec les parents.
> Un volet pilotage concernant les mesures de responsabilisation auprès de collégiens en situation d’exclusion et les méthodes de réinvestissement scolaire auprès des élèves décrocheurs est en cours de définition. Il consiste à accompagner les élèves qui rencontrent des difficultés dans leur scolarité.
> Nous souhaitons également ouvrir le projet en dehors du milieu scolaire et nous sommes en phase exploratoire pour forger de nouveaux partenariats basés sur un diagnostic des besoins partagés.
Conseils pour reproduire ce projet
Cette action nécessite certaines conditions pour sa réussite :
– participer à la pré-rentrée des établissements scolaires ;
– établir une bonne entente avec les infirmières scolaires et les directeurs et directrices d’établissement afin de faciliter l’organisation et la planification des séances.
Les obstacles potentiels dans la mise en place de ce type d’action sont :
– le contact avec les enseignants dans les collèges (les enseignants de primaire sont plus facilement mobilisables puisqu’ils ont leur propre classe) ;
– le temps dédié, notamment en début de projet, sur la communication sur le projet auprès des différents acteurs impliqués ;
– les besoins en ressources humaines : en effet, la quasi-totalité des besoins est à ce niveau-là. Salariés ou bénévoles, il faut aussi s’assurer qu’ils bénéficient d’une formation adaptée
Repères sur le territoire
Territoire : les communes de Rémire-Montjoly (25 000 habitants) et Matoury (32 000 habitants) font partie de la zone d’activité de Cayenne.
Contrat de ville : la ville de Matoury compte 5 quartiers prioritaires ; la ville de Rémire-Montjoly en compte 3 ; la ville de Cayenne 13. Chacune a signé un contrat de ville.
Démarche territoriale de santé : Cayenne, Matoury et Rémire-Montjoly ont chacune leur propre CLS et animent des ASV.
Aller plus loin
> Bilan 2018 du projet pilote « L’école sexprime »
Contact référent
Noémie Delor
Chargée de projets
Association !Dsanté
06 94 49 19 19
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[1] Source : registre d’issue de grossesse informatisé-RIGI en région Guyane, 2016