Par la Ville de Lyon
Rédigé par Clémence Chavarin, coordonnatrice d’un CLSM à Lyon (coordonnées en bas)
PROBLÉMATIQUE & CONTEXTE
Des situations de blocage sont apparues au cours des dernières opérations de relogement et ont mis en exergue la nécessité de renforcer la prise en compte de la santé mentale dans l’accompagnement des ménages impactés par le projet de renouvellement urbain du quartier de La Duchère à Lyon.
Édifiée dans les années 60 à l’extrémité nord-ouest de Lyon, la cité HLM de La Duchère était devenue progressivement, à partir des années 80, un des quartiers les plus pauvres et les moins attractifs de la ville. Pour sortir le quartier de ses difficultés, un Grand Projet de Ville a été validé fin 2002 et développé depuis avec pour objectif de faire du quartier un espace de vie plus ouvert.
Ce grand projet de ville est porté par le Grand Lyon et soutenu par l’État, l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU), l’Agence Nationale pour la Cohésion Sociale et l’Égalité des Chances (l’Acsé), la Région Auvergne-Rhône-Alpes, le Département du Rhône, la Ville de Lyon, les quatre bailleurs sociaux du territoire, l’Europe et ses partenaires.
L’accompagnement social dans le cadre du renouvellement urbain est particulier puisqu’il s’agit, pour les conseiller·es relogement, d’amener les personnes à se mobiliser dans un projet de déménagement. Cette situation est subie par les ménages, imposée par le bailleur et plus largement la Ville et les pouvoirs publics.
Après plusieurs années de renouvellement urbain (depuis 2003), il a été constaté des mécanismes qui se répètent chez les personnes concernées. Les refus des ménages de propositions ne répondent pas toujours à une explication rationnelle et les solutions des conseiller·es au relogement ne suffisent pas. Les refus semblent, bien souvent, sous-entendre d’autres difficultés.
Le projet de renouvellement urbain actuel sur le quartier de La Duchère s’achèvera à l’horizon 2030. Il a donc semblé important de renforcer la dimension sociale et psychique de l’accompagnement habituellement prévu dans ce cadre par les professionnel·les.
La souffrance des habitant·es, générée par ces transformations non-choisies, doit être mieux prise en compte afin de répondre aux attentes et aux besoins des personnes concernées par ces bouleversements.
C’est dans ce contexte de renouvellement urbain à grande échelle qu’un Lieu d’Accueil et d’Écoute (LAE) a été mis en place.
OBJECTIFS
L’objectif de cette action est de pouvoir accueillir des éléments de souffrance des habitant·es concerné·es par le renouvellement urbain, mais aussi d’évoquer les notions « d’habitation », « d’espace », de « chez soi » afin de favoriser l’expression et le partage d’expériences dans un accueil collectif de la parole.
Le LAE est aussi construit comme un outil de prévention en santé mentale, cette action s’inscrit dans la déstigmatisation de l’accompagnement psychique de manière plus globale.
RACONTEZ VOTRE PROJET…
Une première réunion a été organisée en mars 2019 afin d’échanger sur cette problématique et de définir un projet permettant d’y répondre, en réunissant élu·es, service habitat, bailleurs sociaux, professionnel·les de la santé mentale et représentant·es des missions territoriales politique de la ville des 8ème et 9ème arrondissements de Lyon.
Les contours du projet ont été ensuite validés par le comité de pilotage « relogement renouvellement urbain » de la Ville de Lyon réuni le 26 mars 2019 (en présence notamment des directions générales des bailleurs Alliade Habitat, Grand Lyon Habitat et Immobilière Rhône Alpes).
C’est dans ce contexte que le dispositif du Lieu d’Accueil et d’Écoute a été mis en place sur le quartier de La Duchère dans le 9ème arrondissement de Lyon en septembre 2019.
Ce Lieu d’Accueil et d’Écoute régulier et programmé est porté par le dispositif Interface 9, qui est une équipe pluridisciplinaire (psychologue, infirmière et travailleuse sociale) et mobile de prévention en santé mentale. Interface 9 propose un espace accueillant, convivial et ouvert à tou·tes, sous la forme d’une permanence mensuelle, au cœur du quartier afin d’être au plus proche de la demande.
Interface 9 a été associée naturellement au projet dès son démarrage en raison de son implantation sur le quartier depuis plus de 20 ans auprès des professionnel·les. Cette équipe connaissait déjà les problématiques du renouvellement urbain et la mise en œuvre de l’expérimentation du LAE a été facilitée par leur présence. L’intervention d’Interface 9 s’est inscrite dans leurs missions, après accord de leur comité de pilotage.
Le projet a évolué au fur et à mesure de l’expérimentation sur le secteur de la Sauvegarde au cœur du quartier de La Duchère et a pu être ajusté en fonction des réalités du terrain.
Le LAE a été mis en place dans un premier temps une fois par mois au Centre Social de la Sauvegarde, secteur particulièrement concerné par le renouvellement urbain.
Pour développer le LAE, plusieurs actions ont été menées auprès des habitant.es.
Des actions de communication
> Les locataires en cours de relogement ou concernés par la réhabilitation ont reçu un courrier personnel cosigné Ville de Lyon et direction générale du bailleur social pour les informer de la mise en place du LAE.
> Des affiches ont été collées dans les allées des bâtiments concernés par la requalification et/ou la démolition.
> Des flyers ont été distribués chez les partenaires, au sein de l’agence du bailleur et dans les permanences relogement.
> Les informations ont été transmises aux partenaires du quartier et du conseil citoyen.
> L’ALTM (association de médiation) a effectué du porte-à-porte pour informer les habitant·es.
> L’information a été donnée lors de la réunion pilotée par le bailleur et présentant le processus de relogement aux locataires concernés par la démolition.
> L’information a aussi été donnée par Apertise Conseils, en charge de réaliser le diagnostic social préalable au relogement, lors des entretiens au domicile des ménages.
Des actions d’aller-vers
En lien avec les acteurs de proximité, notamment le Centre Social de la Sauvegarde, l’équipe d’Interface 9 est allée à la rencontre des habitant·es du quartier une fois par mois pour promouvoir le LAE.
Le bilan de ces actions co-animées avec la référente famille du Centre Social, qui intervient au cœur du quartier depuis plus de 30 ans, a été positif. Cela a permis de montrer que le dispositif d’Interface 9 avait besoin de s’appuyer sur des acteurs déjà identifiés auprès des habitant·es afin de lever certains freins et permettre à l’équipe d’être plus facilement identifiée sur le quartier.
La mise en place de ces temps d’aller-vers est apparue au fur et à mesure des expériences de terrain du LAE pour répondre au manque de participant·es sur les permanences.
Ces actions ont été répétées systématiquement en amont des permanences LAE pour promouvoir ce temps d’accueil convivial et ouvert à tou·tes.
L’idée ici a été de diffuser l’information mais aussi de travailler sur les idées reçues liées à la prise en charge de la souffrance psychique. Le travail de collaboration avec les acteurs de proximité tel que les centres sociaux est une porte d’entrée intéressante pour toucher les habitant·es les plus éloigné·es et pourtant concerné·es par ces problématiques.
Le Lieu d’Accueil et d’Écoute
Ainsi, une fois par mois, un temps d’accueil et d’échange collectif a été proposé au centre social de la Sauvegarde avec un binôme de l’équipe d’Interface 9. Ce temps a été formalisé, organisé et animé par un binôme psychologue/travailleuse social de l’équipe.
Dans cet espace plus défini, l’expression des personnes a été accompagnée afin de favoriser la transformation des vécus et des représentations des uns et des autres.
RÉSULTATS
Par rapport aux objectifs, quels résultats ont été obtenus ?
Malgré les actions d’aller-vers, les permanences ont eu dû mal à rassembler les habitant·es concerné·es par le renouvellement urbain.
L’expérience a montré qu’il était indispensable de s’appuyer sur un groupe existant. En effet, il est très difficile de proposer un Lieu d’Accueil et d’Ecoute lorsque la demande n’émerge pas directement des habitant.es.
Des évènements plus larges, comme des portes ouvertes, avec un temps de rappel du projet de renouvellement urbain, de réponse aux questions sur la démolition des logements et sur la réhabilitation, ont été envisagés.
Ce projet de LAE est une expérimentation qui évolue au cœur du quartier de La Duchère et qui s’adapte en fonction des besoins des habitant·es et des nouvelles pistes de travail identifiées par les acteurs de proximité.
Avez-vous observé des effets inattendus ?
L’action a été modifiée au fur et à mesure des interventions d’Interface 9 et en fonction des retours directs des équipes de terrain. Même si la problématique de la santé mentale dans le cadre du renouvellement urbain est clairement identifiée, il est encore difficile aujourd’hui de mobiliser les habitant·es sur cette question et de les amener à partager leurs expériences et leurs interrogations dans un cadre d’échange collectif.
Quelles sont les perspectives pour l’action ?
Cette action s’est arrêtée sur le secteur de la Sauvegarde faute de mobilisation de la part des habitant.es.
Le LAE a donc été proposée dans une autre partie du quartier qui vient tout juste d’entamer son processus de relogement. La barre du Château concerne 267 ménages dont 61% ont un niveau de ressources mensuel inférieur au seuil de pauvreté. Le relogement doit se faire sur les cinq prochaines années et les conseillier·es des bailleurs sociaux ont débuté les accompagnements fin 2020.
Cette nouvelle opération a été l’occasion de repenser le LAE et de proposer aux acteurs de proximité de s’engager aux côtés d’Interface 9 dès le début du processus.
Des rencontres partenariales ont permis de mieux expliquer les objectifs et les missions du dispositif d’écoute aux différents acteurs de terrain.
Un premier partenariat a été convenu avec la Maison de l’enfance, située à proximité de la barre du Château, qui avait déjà identifié des personnes intéressées par le LAE. Un premier groupe de parole a pu avoir lieu en avril 2021 avec plusieurs mères du quartier, inquiètes et concernées par le relogement.
Un second partenariat a émergé avec l’association « Espace Sénior ». Le diagnostic social a identifié plusieurs ménages dits « fragiles » en lien avec l’âge de ses occupant·es (personnes âgées précaires et vulnérables). Des groupes de parole mensuels ont été mis en place avec l’équipe d’Interface 9 et c’est bien l’association qui se charge de trouver des volontaires pour ces temps d’échanges afin de créer le premier lien de confiance.
En parallèle, Interface 9 intervient également dans le groupe de suivi social et auprès des conseiller·es en relogement afin d’avoir une vision globale des différentes problématiques et des enjeux liés à la barre du Château.
L’évolution de ce dispositif a permis de montrer l’importance d’une prise en charge en amont des ménages concernés par le relogement (la Sauvegarde était sur la fin du processus tandis que le Château vient juste d’initier les démarches), mais aussi la nécessité de s’appuyer sur des groupes déjà constitués et des acteurs-relais de terrain.
Ce dispositif est en cours de déploiement sur deux autres opérations de renouvellement urbain de la Ville de Lyon, dans un souci d’harmonisation des pratiques.
Les modalités pratiques de mise en œuvre de l’action tiendront compte des spécificités de chaque site mais le bilan tiré lors de la première expérience permettra de rendre ce dispositif plus rapidement efficient.
Si un autre territoire souhaitait reproduire votre action, quels conseils lui donneriez-vous ?
L’objectif de ce groupe est d’accueillir, de susciter l’expression d’un mal-être, des angoisses des locataires.
Il est nécessaire que ces souffrances puissent s’exprimer auprès de professionnel·les compétent·es qui disposent des outils pour pouvoir y répondre. Si la personne dépose dans cet espace ses souffrances, cela permettra d’apaiser les relations avec les conseiller·es relogement et favorisera un meilleur accompagnement.
Dans leur mission, les conseiller·es relogement sont tou·tes amené·s un jour à prendre en charge d’une manière ou d’une autre des personnes en souffrance.
Cependant, même si la demande est présente, il est difficile de toucher les habitant·es directement et de constituer un collectif à partir de la problématique du renouvellement urbain.
C’est pourquoi, il est essentiel de s’appuyer sur des acteurs de l’hyper-proximité, qui vivent au sein des quartiers concernés (Centres Sociaux, MJC, Maison de l’enfance…) pour initier la relation de confiance entre les habitant·es et le dispositif qui interviendra.
La question de la santé mentale est très stigmatisée, et aborder la question de la souffrance via des sujets/personnes déjà identifiées peut faciliter la mise en place du LAE auprès de ces populations.
Les personnes en demande ne se retrouvent pas forcément dans les solutions proposées, une expertise de terrain et une expérience au sein des quartiers sont essentielles.
FICHE-IDENTITÉ DE L’ACTION
Porteur de l’action : Service Habitat de la Direction de l’aménagement urbain, Mairie de Lyon
Territoire d’intervention : Quartier politique de la ville – La Duchère – Lyon
Cadre(s) d’intervention/politique(s) politique(s) dans lesquels s’inscrivent l’action : au niveau de la Ville de Lyon, le contrat de ville métropolitain est complété par une convention locale qui précise les objectifs et les engagements sur le territoire de la Ville. A l’échelle de Lyon, 18 quartiers relèvent de la politique de la ville. Parmi eux, 9 – dont La Duchère – sont des quartiers prioritaires, et 9 sont en situation de veille active.
Public visé : habitant·es du quartier concerné·es par les opérations de relogement ou de requalification, dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain.
Partenaires opérationnels :
– Unité logement du service Habitat de la Direction de l’aménagement urbain
– Mission Duchère
– Interface9 : psychologue, travailleuse sociale et infirmière
– Conseiller·es relogement des bailleurs sociaux
– Centres sociaux du quartier
– Maison de l’enfance
– Associations du quartier
– Conseil Local de Santé Mentale
Partenaires financiers
Sur le quartier de La Duchère, l’accompagnement a été inscrit à la convention NPNRU pour bénéficier d’un financement ANRU qui concerne deux sites (Sauvegarde et Château) pour toute la durée de la convention. Le service Habitat de la Ville a demandé une nouvelle enveloppe budgétaire pour ce projet en 2020 qui doit être répartie sur les différents sites.
Précisez la gouvernance de l’action :
– un comité technique de suivi de l’action composé du Service Habitat – Ville de Lyon, de la Mission Duchère, d’Interface 9, des bailleurs sociaux, du centre social, du Conseil Local de Santé Mentale de Lyon 9
– un comité de pilotage relogement RU (élu·es Ville de Lyon, direction générale des bailleurs, service habitat et missions territoriales) valide les grandes orientations du projet
TERRITOIRE
Votre action s’inscrit-elle dans une dynamique territoriale de santé ?
X Un Atelier Santé Ville
X Un contrat local de santé
X Un conseil local de santé mentale
Autre (précisez : ………)
Le territoire est-il couvert par un contrat de ville ?
X Oui
Non
Ne sait pas
Si oui, votre action s’inscrit-elle dans le contrat de ville ?
X Oui
Non
Ne sait pas
AUTRES RESSOURCES
> Dossier ressources Fabrique Territoires Santé « Habitant·es, transformations urbaines et santé »
CONTACT RÉFÉRENT
Clémence Chavarin
Coordinatrice Conseil Local de Santé Mentale
Ville de Lyon
clemence.chavarin@mairie-lyon.fr
06 65 74 58 88
Mis à jour en mars 2021