Par URPS Médecins Libéraux Centre-Val de Loire
Rédigée par Charlotte de Fontgalland, Chargée d’études
PROBLÉMATIQUE & CONTEXTE
Les jeunes professionnel·les aspirent aujourd’hui à exercer au sein de structures (libérale ou salariée) coordonnées et structurées, quelle que soit leur spécialité́ : l’exercice groupé est plébiscité à 72% par les internes, alors que l’exercice libéral seul n’est envisagé́ que par 3% d’entre eux·elles[1]. Ces aspirations rejoignent les tendances actuelles qui visent à plus de coopération via le déploiement de dispositifs pluriprofessionnels : Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS), Équipes de Soins Primaires (ESP), Équipes de Soins Spécialisés (ESS) etc.
Si les nouvelles organisations de soins primaires semblent avoir des effets positifs sur l’installation des professionnel·les dans les zones organisées en CPTS, tout reste à faire pour les spécialités hors médecine générale. La question de l’accès aux soins de spécialité ne concerne pas que le tissu de soins de 2nd recours, puisque leur présence conditionne également l’installation de médecins généralistes.
En région Centre-Val de Loire (RCVDL), l’offre de soins libérale de 2nd recours se caractérise par des difficultés d’accès sur l’ensemble de la région, et des inégalités territoriales fortes qui risquent de s’accroître avec les vagues de départs en retraite à venir. Par ailleurs, les liens entre l’ambulatoire et les établissements de santé publics et privés restent à consolider – sinon à créer – pour répondre collectivement à cet enjeu[2].
OBJECTIFS
Le travail que nous portons vise à construire une plus juste répartition de l’offre de soins de 2nd recours en identifiant les leviers pour mobiliser les médecins de spécialité́ et leur permettre de s’organiser de manière coordonnée. Il s’agit de :
- Quantifier et objectiver les difficultés de recours aux soins dans les différentes spécialités médicales, notamment l’inadéquation entre les besoins de soins de la population et l’offre de soins sur leur lieu de vie
- Travailler à l’échelle des CPTS pour ancrer les actions concernant l’accès au 2nd recours dans une logique territoriale pertinente
- Apporter des arguments pour l’ouverture des postes d’internes dans les différentes spécialités
- Localiser l’ouverture de stages ambulatoires de spécialités sur les territoires les plus en souffrance
- Adapter le déploiement de dispositifs comme les Équipes de Soins Spécialisés (ESS), les consultations avancées et la télé-médecine, etc., en fonction des spécialités
RACONTEZ VOTRE PROJET…
Les ressorts de l’accès aux soins, comme les logiques d’installation et d’exercice débordent largement le champ de la santé. Ils mobilisent des stratégies et concepts économiques, sociaux, culturels, d’aménagement du territoire, et incluent une déclinaison territoriale fine. La démarche vise donc à articuler recherche et opérationnalité :
1/ objectiver et quantifier les inégalités d’accès aux soins de 2nd recours en RCVDL
2/ définir des pistes d’actions pertinentes et répondre aux besoins locaux, différenciés selon les territoires, en s’appuyant sur le maillage de la RCVDL en CPTS
Le projet démarre en janvier 2020 avec la mise en place d’un groupe de travail réunissant l’Union régionale des Professionnels de Santé Médecins Libéraux (URPS-ML) et la Direction de la coordination de la gestion du risque de l’Assurance Maladie (DCGDR) de la région Centre-Val de Loire, afin d’étudier les difficultés de recours aux soins de 2nd recours.
Interrompus par la crise sanitaire du COVID 19, les travaux du groupe ont repris au printemps 2022.
Une étude rétrospective a permis de quantifier et de territorialiser les difficultés de recours aux soins dans les différentes spécialités médicales et a montré de fortes disparités territoriales d’accès aux soins – aussi bien dans le secteur libéral que dans le secteur hospitalier –, et une géographie qui fait ressortir le poids des préfectures et de l’axe ligérien. Menée à l’échelle des CPTS (qui couvrent 90% du territoire), elle a permis de mesurer le besoin de médecins spécialistes libéraux et a initié́ une réflexion territoriale pour la formation des médecins. Des typologies de territoire, ou des focus de territoires – noyau urbain « favorisé », quartiers prioritaires de la ville, place particulière d’Orléans, territoires semi-urbains et territoires ruraux – pourront ultérieurement enrichir l’analyse.
RÉSULTATS & PERSPECTIVES
Par rapport aux objectifs, quels résultats ont été obtenus ?
L‘étude met en avant :
> De fortes disparités territoriales d’accès aux soins de spécialités (hors médecine générale) [3] (voir les cartes en annexe)
> Un sous-recours global aux soins de spécialité́ libéraux
Une très grande majorité́ du territoire se situe en sous-consommation par rapport à la moyenne française (30 CPTS sur 33, pour 81% de la population régionale).
> Un déficit chronique de médecins libéraux de spécialités
Le recours « manquant » en soins pour les spécialités libérales a été évalué. Il représente un déficit de 25% de médecins, soit 250 médecins spécialistes libéraux en RCVDL pour les 12 spécialités étudiées.
> Un cumul des difficultés dans certains territoires
Avez-vous observé des effets inattendus ?
Des applications concrètes de ces travaux sont déjà̀ apparues avec de nouveaux partenaires.
– L’Agence Régionale de Santé CVDL s’est appuyée sur ces travaux pour flécher le choix des spécialités de postes d’internes en création à la Faculté de Tours.
– Les résultats des travaux du groupe de travail ont été notamment présentés dans les groupes de travail « démographie » du Projet Régional de Santé 3, et lors d’une Commission spécialisée de l’organisation des soins (CSOS) dédiée aux Objectifs Quantifiés de l’Offre de Soin (OQOS).
Quelles sont les perspectives de l’action ?
Des pistes de réflexions ont émané́ de cette étude, sur lesquelles nous souhaiterions mobiliser les CPTS. Un groupe de travail composé d’étudiant·es du Master « STU, Urban policy et Comparative Urban governance » de Science Po Paris, va également poursuivre ce travail durant l’année universitaire 2022-2023, à savoir :
- Pertinence des différents dispositifs permettant de structurer et consolider le lien entre soins de 1er et 2nd recours et identifier leurs modalités de déploiement optimales : Équipes de Soins Spécialisées (ESS), consultations avancées (CA), télémédecine
- Réflexion sur la création d’un « zonage médecin spécialiste hors médecine générale » (actuellement les zonages concernent uniquement les médecins généralistes)
- Évolution et répartition géographique du nombre de postes d’internes ouverts (et répartition géographique des lieux de stages)
- Problématique de l’hyperspécialisation lors de la formation des médecins, et de la sur-spécialisation de l’activité́ de certains médecins installés.
- Mesurer le poids de certaines caractéristiques des professionnel·les de santé́ (notamment la localisation, l’âge, le sexe et le niveau d’activité́ moyen) et de la composition socio-économique de la population.
- Enfin, une analyse qualitative permettrait de mieux comprendre les attentes, besoins et envies des médecins libéraux de toutes spécialités, leur perception et capacité à s’organiser de manière coordonnée et pluriprofessionnelle.
Si un autre territoire souhaitait reproduire votre action, quels conseils lui donneriez-vous ?
L’étude est en cours de duplication en Nouvelle Aquitaine. Une des principales difficultés est l’obtention des données, et leur traitement.
Il est également primordial de bien s’appuyer sur des acteur·rices locaux·ales et d’avoir en complément une vision « de terrain » pour compléter et rendre réellement pertinent ce travail.
FICHE-IDENTITÉ DE L’ACTION
Porteur de l’action :
Union Régionale des Professionnels de Santé – Médecins Libéraux Centre-Val de Loire
Territoire d’intervention :
Région Centre-Val de Loire
Cadre(s) d’intervention politique(s)/politique(s) dans lequel s’inscrit l’action :
L’Union Régionale des Professionnels de Santé – Médecins Libéraux (URPS-ML) Centre-Val de Loire représente l’ensemble des médecins libéraux de la région. Elle participe à l’analyse des besoins de santé et de l’offre de soins, et à l’organisation de l’exercice professionnel, notamment en ce qui concerne la permanence de soins, la continuité́ des soins et les nouveaux modes d’exercice (parmi les missions définies dans le décret n°2010-585 du 2 juin 2010 relatif aux Unions régionales de professionnelles).
Public visé :
Ensemble des médecins de la région et population
Partenaires opérationnels :
Direction de la coordination de la gestion du risque (DCGDR) Centre-Val de Loire ; Service Statistique de la DCGDR Centre-Val de Loire ;
Fédération des URPS de la Région Centre-Val de Loire ;
ensemble des CPTS de la région Centre-Val de Loire.
Partenaires financiers :
Étude réalisée sur le temps de travail salarié de la chargée d’études.
Précisez la gouvernance de l’action :
La réflexion globale et la conduite du projet sont animées par la Commission « Accès au 2nd recours » de l’URPS-ML, en lien avec la DCGDR.
Un comité́ technique réunissant des salarié·es de l’URPS ML et du service statistique de la DCGDR s’est réuni régulièrement pour établir la méthodologie d’analyse des données, le traitement des informations et la mise en forme des résultats. La réflexion s’étendra dans un deuxième temps aux CPTS de la région, pour leur présenter les résultats et les pistes d’actions qui en découlent.
TERRITOIRE
Votre action s’inscrit-elle dans une dynamique territoriale de santé ?
Un Atelier Santé Ville
Un contrat local de santé
Un conseil local de santé mentale
X Autre (précisez : CPTS)
Le territoire est-il couvert par un contrat de ville ?
Oui
Non
X Ne sait pas
Si oui, votre action s’inscrit-elle dans le contrat de ville ?
Oui
X Non
Ne sait pas
AUTRES RESSOURCES
Voir l’Annexe avec cartographie et bibliographie
Document de synthèse sur l’étude réalisée
CONTACT RÉFÉRENT
Prénom Nom
Charlotte de Fontgalland
Fonction
Chargée d’études
Structure
URPS ML Centre Val de Loire
charlotte.defontgalland@urpsml-centre.org
Tél
06.74.36.76.90
Mis à jour en décembre 2022
Télécharger cette Inspir’action au format pdf
[1] Il est également primordial pour 81% des internes et pour 87% des remplaçant·es de pouvoir s’appuyer sur un réseau de professionnel·les de santé sur le territoire.
[2] Plusieurs leviers ont un impact sur cette offre de soins et sa répartition géographique : formation des médecins et développement des stages ambulatoires sur des territoires en difficulté́, déploiement de dispositifs pour diversifier l’accès et l’exercice de la médecine de spécialité́ (Équipes de Soins Spécialisées, consultations avancées, assistant·es partagés, etc.), mesures incitatives ciblées sur les médecins spécialistes hors médecine générale, développement de la télémédecine dans le cadre conventionnel, et dans le respect d’une territorialité́ permettant une prise en charge post-expertise si nécessaire, etc.
[3] Pour le recours libéral, l’écart entre l’ICC le plus faible et l’ICC le plus élevé est de 47,1 points ; pour le recours hospitalier, il est de 97,5 points (ICC = Indice Comparatif de Consommation, qui compare la consommation réelle de soins, à celle qui serait attendue si la population du territoire étudié consommait de la même façon que le reste de la France).