L’Atelier santé ville de Valbonne Sophia Antipolis a créé, étape par étape, un dispositif transdisciplinaire de prévention des conduites addictives des jeunes, depuis 2007. La mise en lien d’une pluralité d’acteurs sanitaires et sociaux a permis de développer une intervention précoce.
Suite à plusieurs années d’expérimentation, un guide méthodologique permettant de transférer l’expérience a été conçu, avec le soutien de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) et de la Direction générale de la santé (DGS).
> PROBLÉMATIQUE : comment développer l’offre de prévention et de soins des conduites addictives des jeunes ?
[Mots-clés : addictions; diagnostic partagé ; évaluation qualité ; jeune ; partenariat & réseau ; Provence-Alpes-Côte d’Azur]
[Axe stratégique de la Charte d’Ottawa visé : Développer des politiques publiques favorables à la santé]
Présentation de l’ASV
Structure porteuse de l’ASV : ville de Valbonne Sophia Antipolis (service Santé)
Co-financements de l’ASV : DDCS (jusqu’en 2014), ville
Ressources humaines : 1 ETP
Coordonnatrice ASV actuelle en poste depuis : 2008
Historique et contexte : La ville de Valbonne Sophia Antipolis regroupe le village historique et la majeure partie du technopole de Sophia Antipolis. La création, à partir des années 1970, d’un pôle universitaire, scientifique, technologique et résidentiel a profondément transformé le territoire de Valbonne, notamment en multipliant le nombre d’habitants par 4 entre 1980 et 2010 (près de 13 000 habitants) ; et plus d’un quart de la population est âgé de moins de 18 ans.
L’ASV a été créé en décembre 2007, intégré au service Santé qui comprend également un Point Écoute Santé (lieu physique d’accueil du public : service administratif d’accès aux droits et aux soins, permanence du centre médico-psychologique, …).
Intégration à la politique de la ville : Depuis la réforme de la géographie prioritaire de la politique de la ville de 2014, le quartier de Garbejaïre n’est plus prioritaire, mais en veille active. Pour autant, la municipalité poursuit son soutien à la dynamique territoriale autour de la santé créée par l’ASV.
Éléments-cadre du projet présenté
Échelle d’intervention du projet : ville
Partenaires du projet : Mutualité française, Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) du Centre hospitalier d’Antibes, Éducation nationale, Mission locale, médecins libéraux, fédérations de parents d’élèves, chantier d’insertion, foyer jeunes travailleurs
Public cible : jeunes, parents et travailleurs sociaux et médicaux liés au Point Écoute Santé
Durée du projet : diagnostic mené en 2006, mise en œuvre des différentes actions à partir de 2008, évaluation en 2014
Co-financements du projet : sur le dispositif, ville, ARS PACA, CAF Alpes-Maritimes / sur le guide méthodologique, ville, Direction générale de la santé (DGS), Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA)
Histoire du projet
L’implantation d’un dispositif de proximité dédié à la prévention des conduites addictives et à l’intervention précoce auprès des jeunes consommateurs : « un exercice de concertation continue »
Le fort pourcentage de jeunes dans la population a forgé la volonté de la municipalité de Valbonne de travailler sur les problématiques jeunesse et prévention. La commune, via son service Jeunesse, a mandaté la sociologue Catherine Reynaud-Maurupt (du groupe de recherche sur la vulnérabilité sociale GRVS, implanté dans les Alpes-Maritimes) pour mener en 2006 un diagnostic de territoire orienté sur les addictions. Il s’agissait de répondre aux préoccupations d’acteurs de terrain démunis face à ces problématiques.
À sa création, en décembre 2007, suite à un diagnostic global auprès d’usagers, l’ASV se saisit du diagnostic réalisé sur les conduites addictives des jeunes, et crée, à partir de 2008, une « alliance opérationnelle » avec des experts en addictologie (service de prévention et de promotion de la santé de la Mutualité Française PACA et CSAPA du centre hospitalier d’Antibes). Le temps entre la création de l’ASV et la mobilisation des acteurs a été réduit grâce à l’expérience préalable de la coordonnatrice ASV (20 ans au sein de la municipalité de Valbonne où, à différents postes notamment comme directrice du CCAS, elle avait pu nouer des liens avec de nombreux acteurs du territoire dans divers domaines).
« La construction du dispositif s’est réalisée pas à pas, d’une manière empirique » comme le souligne la coordonnatrice ASV : au fur et à mesure, le dispositif se définit comme un « continuum préventif », allant de l’école au monde du travail. L’ASV s’est positionné comme la structure de coordination territoriale, pour développer les axes de travail préconisés dans le diagnostic sur les conduites addictives, et s’est fortement appuyé sur l’expertise en addictologie d’un coordinateur santé publique de la Mutualité française : ces deux acteurs pivot ont couplé expertise territoriale et expertise thématique.
Dans un 1er temps, l’ASV a mis en place des sessions de formation pour tous les acteurs investis auprès des jeunes, afin de construire un langage commun sur l’addictologie. Les formations sont animées par la Mutualité française et organisées régulièrement, depuis 2009, pour toucher tous les professionnels (anciens et nouveaux) : éducateurs, assistantes sociales, organismes de formation, personnels de l’Éducation nationale et de l’Inspection académique, antenne de justice, animateurs périscolaires…
Dans un 2e temps, l’ASV a constitué 4 groupes de travail : Éducation nationale, parents, jeunes en insertion/jeunes majeurs, étudiants. Chaque groupe a développé des actions : par exemple, un programme de sessions de prévention auprès des écoliers jusqu’aux lycéens, l’organisation de conférences destinées aux parents et d’ateliers d’appui à la parentalité…
Une mobilisation d’une structure de soins de droit commun
Pour compléter le dispositif, l’ASV impulse la création d’une consultation psychologique de diagnostic et d’orientation destinée aux jeunes. En partenariat avec le groupe de travail Éducation nationale et une psychologue clinicienne, des permanences sont proposées, dès 2008, dans les établissements scolaires et dans les locaux du Point Écoute Santé, par une psychologue spécialisée dans l’adolescence employée par la Mutualité Française. Cette « consultation jeunes » se positionne à la charnière entre la prévention et le soin et voit sa file active monter en charge du fait des orientations venant des professionnels de l’Éducation nationale et de la possibilité d’effectuer le premier contact sur le temps scolaire.
À partir de 2010, l’ASV a créé des liens avec le Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) du Centre hospitalier d’Antibes pour qu’il prenne le « relais de responsabilité » de la consultation. La montée en charge de la consultation jeunes a mis en évidence les besoins du territoire et amené l’acteur légitime (le CSAPA d’Antibes) a priorisé Valbonne dans ses choix de lieux pour le développement de consultations avancées (une demi-journée par semaine).
Ainsi, la consultation est rattachée administrativement au CSAPA en 2011 et acquiert le statut de « consultation jeunes consommateurs ». En 2013, le CSAPA obtient une pérennisation financière de la consultation auprès de l’ARS PACA (crédits reconductibles annuellement) et détache un temps d’éducateur spécialisé pour le territoire (nombre de personnes différentes suivies en 2013 : 20).
Organisation du dispositif multi-partenarial
Une évaluation du dispositif a été menée en 2014 par la sociologue de GRVS ayant réalisé le diagnostic sur les addictions. Cette évaluation a permis de reconstituer, a posteriori, la démarche et la stratégie territoriale mises en œuvre. Elle a montré le rôle pivot de l’ASV et de la Mutualité française : l’ASV a apporté son expertise du territoire et son insertion dans le maillage pluriprofessionnel des acteurs du territoire en première ligne auprès des jeunes ; tandis que la Mutualité française a apporté son expertise sur la thématique des addictions et son insertion dans le maillage spécialisé du département (prévention et soins).
L’évaluation a relevé que le dispositif addictions avait montré sa pertinence et sa cohérence, en particulier sur le partage des pratiques professionnelles, les plus-values des actions socio-éducatives, l’amélioration du repérage précoce et de l’accès aux soins. L’évaluation a aussi soulevé des impacts indirects du dispositif auprès des parents, des jeunes collégiens et lycéens, des jeunes en insertion.
Enfin, l’évaluation a permis d’élaborer une modélisation et une revue de littérature scientifique.
La conception d’un guide méthodologique pour favoriser le transfert de compétences
Dans le cadre de l’évaluation du dispositif, la DGS et la MILDECA ont été sollicitées pour apporter des financements. Les premiers contacts ont été confortés par les résultats de l’évaluation, qui montraient notamment qu’après 6 années de fonctionnement, le dispositif addictions de Valbonne Sophia Antipolis répond aux préconisations du Plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives 2013-2017. Le dispositif créé à Valbonne se rapproche d’un programme de prévention fondé sur les preuves et mis en œuvre aux États-Unis, en Australie, au Canada et au Royaume-Uni : community that care (CTC)*.
Est alors conçu, par le groupe de recherche sur la vulnérabilité sociale, un guide méthodologique destiné à faciliter la transposition de l’expérience de Valbonne au sein d’autres collectivités territoriales. Le guide montre que c’est la méthode d’implantation du dispositif sur Valbonne qui est transposable et non son organisation spécifique. Il se divise en deux parties :
Le socle de connaissances indispensables pour s’engager dans la mise en œuvre d’une stratégie de prévention et d’intervention précoce en addictologie (quelles sont les mesures les plus efficaces en matière de prévention des addictions, qui sont les structures spécialisées, quelles sources de financement solliciter, …) ;
La méthode destinée à structurer et mettre en œuvre un dispositif à composantes multiples de prévention et d’intervention précoce en addictologie sur un territoire de proximité (comment délimiter le périmètre d’intervention, comment réaliser un diagnostic partagé, comment évaluer…).
Le guide souligne la « nécessité de disposer d’une structure de coordination inscrite dans le territoire de proximité » : c’est le rôle joué par l’ASV. Cette fonction de coordination est essentielle à la mise en place du dispositif multi-partenarial.
* Community that care est un système de prévention, et non un programme de prévention classique, permettant la mise en œuvre de programmes adaptés aux besoins d’une communauté. Il s’appuie sur une stratégie de développement social visant à guider les communautés pour promouvoir la santé et le bien-être des enfants et des jeunes.
Résultats
- En moyenne, 50 professionnels représentant une trentaine de structures constituent le réseau (25 à 30 réunions par an pendant la phase de développement du dispositif 2011-2013).
- Actions conduites auprès des élèves entre 2008 et 2013 : 441 élèves de primaire touchés (36 ateliers), 2 520 collégiens (449 ateliers), 2 759 lycéens (89 ateliers).
- Actions conduites auprès des jeunes en insertion (mission locale, chantier d’insertion, centre omnisports) entre 2011 et 2013 : 106 jeunes touchés (7 ateliers).
- Actions de sensibilisation des parents et d’appui à la parentalité : 4 conférences ayant réuni entre 30 à 170 parents, 8 ateliers d’appui à la parentalité ayant réuni 6 à 30 parents.
- En 2013, 20 jeunes suivies par la consultation jeunes consommateurs (portée par le CSAPA).
- Formation à la prévention des addictions chez les adolescents reconduite dès qu’un groupe de 10 professionnels est constitué (en cas de nouvelles structures partenaires ou de renouvellement des professionnels des partenaires existants) : acteurs des champs socio-éducatif, judiciaire, de l’Éducation nationale, des services municipaux, …
- Ensemble des enseignants et personnels de l’Éducation nationale formés à la prévention des addictions.
- Augmentation du repérage précoce et amélioration de l’accès aux soins, grâce aux formations ouvertes à l’ensemble des professionnels du territoire et l’ouverture de la Consultation jeunes.
- Expérimentation identifiée comme exemplaire par la préfecture des Alpes-Maritimes.
- Plus-values retenues par les parties prenantes (issue de l’évaluation menée en 2014) : qualité des pratiques professionnelles, qualité de l’action socio-éducative, augmentation du repérage précoce, augmentation de l’accès aux soins.
Perspectives
- Développement d’un axe de prévention environnementale : appui au développement des transports publics la nuit et le week-end, rapprochement avec le conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD), sensibilisation des débitants de tabac et d’alcool.
- Renforcement des actions auprès des enfants de l’école primaire (renforcement des compétences psychosociales et inscription des actions dans la durée).
- Développement de partenariats avec des communes limitrophes, dans le cadre de la communauté d’agglomération (pour éviter les inégalités entre les enfants des écoles de Valbonne ayant bénéficié d’actions de prévention et ceux des autres communes qui poursuivent leur scolarité dans les collèges de Valbonne).
- Expérimentation du « Good Behaviour Game », programme de développement des compétences psychosociales ayant fait la preuve de son impact sur la réduction des consommations de drogues et d’alcool (formation des enseignants d’une école élémentaire à partir de 2015, en partenariat avec l’inspection académique).
Bonnes pratiques
- Un portage politique fort.
- Une connaissance fine du territoire et de ses acteurs (rôle essentiel de l’ASV), afin d’assurer un maillage fort et une implication de tous les champs professionnels.
- Un partenariat avec des experts en addictologie.
- Une stratégie territoriale de prévention avec des actions de proximité fondées sur la concertation, la coordination et la complémentarité de l’ensemble des acteurs intervenant auprès des jeunes : la mise en œuvre d’un « continuum préventif ».
- Un dispositif à composantes multiples qui permet une synergie d’ensemble supérieure à la somme des parties.
- Une combinaison d’un ensemble d’actions articulées.
Paroles d’acteurs
« A défaut d’avoir une compétence en la matière, nous avons créé une politique communale pour être utile aux acteurs situés en première ligne. Le rôle d’une municipalité, c’est d’être facilitateur et de permettre à ceux qui interviennent d’être plus efficaces. » Marc Daunis, sénateur-maire de Valbonne2
Ressources bibliographiques
Travaux en cours en France sur les programmes validés Community that care et Good behaviour game
Ressources méthodologiques
Guide méthodologique pour les acteurs des collectivités territoriales, « Prévention des conduites addictives destinée aux jeunes – Structurer et mettre en œuvre une stratégie territoriale », Catherine Reynaud-Maurupt, mars 2015
Contact
Laurence DERONT, responsable service santé, lderont[at]ville-valbonne.fr, 04.92.98.28.84